e, au lieu de tes murs
et de ta tour caduque, je te ferais
trois murailles peintes d’azur, trois tours
ciselées, trois toits d’ivoire pour abriter,
avec tes nids de sansonnets, le souvenir de
mes jeunes années. Et toi, village sans
beffroi ni clocher, qui m’as banni, veille,
veille nuit et jour sans t’enivrer de ton
raisin, sur celle que tu m’as ravie. Ah ! Je
t’aurais donné pour elle toutes les mosquées de
Syrie, avec leurs blancs minarets, leurs
fraîches citernes, tous les palais à ogives
de Venise, avec les gondoles amarrées sur
leurs degrés, tous les vieux châteaux
d’Allemagne, avec leurs balcons sur le Rhin.
Même à présent, si tu m’apprends seulement
que tu l’as vue passer, qu’elle allait à la fête,
que sa bouche souriait, et que tu as planté dans
ta haie un baume pour sa douleur, j’irai
chercher, au fond de ma pensée, dans un autre
climat, du sable d’or pour ton ruisseau.
Je dirai, quand je repasserai, à la vague
de la baie de Zéa, et aux citronniers de la
villa que j’aime, d’envoyer leurs brises sans
se lasser, chacune par un sentier, jusqu’à la croix de
ton chemin.
Mais toi, pays d’Allemagne, je dirais sans
mentir comme tu m’as rendu mon amour pour
toi en fiel, en noires insomnies, en
douloureuses journées. T’en souviens-tu
seulement quand je gisais sur le bord de ton
chemin, évanoui dans ma douleur ? Au fond de ta
science, ah ! Que la nuit alors était noire ?
Dans ton église blanchie, qu’il faisait froid
seul, sur les dalles, le soir, sans prêtre
et sans Dieu ! Surtout que tes femmes sont
dures, bien plus dures mille fois que ton
ciel ! Leur sourire est fait de fleurs
d’hiver ; pourquoi ai-je goûté de son miel ?
Le Danube s’arrête pour regarder leurs tresses
blondes ; un mystère clôt leurs bouches.
Plus blanches que l’amandier en fleur,
timides elles naissent, timides elles meurent ;
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