Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/290

Cette page n’a pas encore été corrigée

Poésie, poésie, beau mot qui retentit bien fort ! Quand je fouillerais de ma pensée la mer entière, jusqu’où son flot roule ses perles, à présent, je ne trouverais plus que sable et qu’herbes de marécages. Elle, elle était poésie, à toute heure, en tout lieu, et ses lèvres, sans parler, vous racontaient le ciel, quand elle cherchait de sa terrasse, après le jour, l’étoile du berger pour la faire voir à son enfant ; et quand elle entendait, dans son jardin, son grand peuplier trembler, et qu’elle disait : voici le soir ; et aussi le long du canal, quand elle voyait l’eau s’arrêter et frissonner ; et quand elle ouvrait sa porte à l’odeur des vignes en avril et en mai ; et dans sa cour, quand le rossignol, sur un groseillier, lui chantait, jusqu’à minuit, pour l’amuser comme à ses petits ; et quand assise, sans rien dire, sur son banc, elle tenait tout le jour mon âme dans sa main, comme un livre entr’ouvert qu’on feuillette, et qui ne finit pas.

Ah ! Le livre est fini, et plus d’une page y manque. Le vent les lui a arrachées une à une des mains et ne les lui rendra pas. L’herbe de son jardin la verra à toute heure : il n’y a que moi qui ne la verrai plus. L’oiseau sous son toit la peut entendre, s’il veut ; il n’y a que moi qui ne l’entendrai plus. La feuille errante peut demander de ses nouvelles à sa porte ; et moi, il n’y a que la mort qui m’en dira. Trop grande pour le monde, le monde ne la connaîtra pas ; son pur secret, le plus beau de la terre, périra sur ses lèvres, sans que personne le sache, -hors celui qui n’en peut rien dire.

Nonchalante, au milieu de son ouvrage, son doux génie