Voix des Morts qui s’évanouissent.
Sois maudit, Ahasvérus !
La Cathédrale.
Sois maudit, Ahasvérus !
Rachel.
Sois béni, Ahasvérus ! Grâce pour lui, seigneur !
Ouvrez-lui votre ciel. (les démons la fouettent
de lanières de flamme.) sont-ce les anges
qui veillent à la porte du paradis ? Anges,
anges, ouvrez-moi la porte ; il y aura aussi une
place pour Ahasvérus, n’est-ce pas ? Oh ! Que
vos épées sont flamboyantes ! Oh ! Que vos
verrous sont pesants ! Viens, viens, Ahasvérus :
les étoiles du paradis se lèvent de l’autre
côté du seuil.
Mob.
Pauvre folle ! C’est le matin qui commence à
poindre. Je t’envelopperai cette nuit de mes
ailes royales, n’aie pas peur. Viens ; la
porte crie sur ses gonds. Partons. Notre
cheval foulera, en passant, de la corne de son
pied, ton Ahasvérus sur les dalles.
La Cathédrale.
" Et vous, mes saints de vermillon, mes vierges
dans vos niches de pierre, mes dragons
incrustés dans mes piliers ; allons, criez,
chantez, hurlez, dans l’arceau de la voûte,
dans la stalle de la nef, dans la poussière
du caveau, dans le creux de la cloche ; jetez
à hauts cris, pendant la nuit, cette histoire,
avec ma voix, sur le nuage de printemps, sur
l’aile de l’épervier, sur la branche du pin,
sur le chevet du baron qui sommeille, sur le
cimier du cavalier attardé dans la brume, sur
la trompe du veilleur, sur l’écume du Rhin. "