Comment ferais-je, en jetant à poignée votre cendre à la face du seigneur, pour dire, sans me tromper ni de siècle, ni de climat : seigneur, ceci qui poudroie dans ma main, c’est l’armée d’Attila ou d’Alexandre Le Grand ; ceci, c’est trente siècles des rois de Syrie et de Chaldée ; ceci, c’est Rome avec ses empereurs et ses papes ; ceci, c’est mille années du royaume de Bretagne, avec ses pairs, avec ses écuyers, qui ternissent en retombant l’agrafe d’or de vos souliers, comme ferait un de vos pas en cheminant devant la porte de votre éternelle cité.
Ahasvérus.
Oh ! Mes bons seigneurs, dites-moi, par pitié,
si pas un de vous n’a vu passer le Christ avec
sa croix sur vos dalles.
Chœur des Morts.
Non, non, nous ne l’avons pas entendu.
Ahasvérus.
Dites-moi, oh ! Sans mentir, si vous ne l’avez pas
vu, Jésus de Nazareth, avec des yeux
flamboyants, à travers les toiles d’araignée
qui voilent vos paupières.
Chœur des Morts.
Non, non, nous ne l’avons pas vu.
Ahasvérus.
Dites-moi, mes bons seigneurs, je vous prie, s’il
ne vous a pas demandé par où a passé un
voyageur qui vient de terre-sainte.
Chœur des Morts.
Non, non, il ne nous a rien demandé ; c’est nous
qui l’avons cherché sans le trouver. Ne le
savez-vous pas ? Il n’y a point de Christ,
ni de Jésus de Nazareth. Passant, allez, si
vous voulez, vous railler des vivants. Ni le
grillon ni le ver ne nous ont annoncé pour
aujourd’hui la venue d’un voyageur ou d’un hôte
de terre-sainte. Notre table