mes bons seigneurs ; c’est la vérité : voyez ! Que tous les morts me cachent leur blessure ! Que tous les martyrs mettent leur plaie dans l’ombre ! Je n’en peux guérir aucune. J’apporte en retour une toile filée par l’araignée à ceux qui ont donné leur couronne au Christ ; j’apporte, dans le creux de ma main, une pincée de cendre à ceux qui attendaient un royaume d’étoiles dans l’océan du firmament.
Chœur de tous Les Rois morts.
Malheur ! Malheur ! Qu’allons-nous devenir ?
La Cathédrale.
Çà, que feriez-vous donc tous d’un royaume
éternel, si je vous en donnais un ? Croyez-moi !
Vos bras sont trop maigres, vos mains sont
trop froides, pour porter de nouveau ni
sceptre, ni bulle, ni couronne. Deux ou trois
jours de vie, debout sous le soleil, ont séché
la moelle dans vos os. Que diriez-vous, s’il
fallait porter comme moi, été, hiver, sur votre
tête, sans fléchir, un diadème de rocher sous
la neige et sous la pluie ? Allez ! Quand
l’horloge a sonné sous mes arceaux, l’heure
qui tremble ne dit pas à l’éternité : arrête-moi
sur le bord de la cloche ; je veux durer, je
veux vibrer toujours ! Et moi, je suis
l’éternité visible sur la terre. Vous êtes,
vous, l’heure errante qui s’est vêtue dans le
monde, en courant, de son manteau retentissant.
Maintenant, que je me joue de vous, s’il vous
plaît, mes heures couronnées, oh ! Si fragiles,
est-ce possible ? Oh ! Si fantasques ! Oh !
Si bruyantes ! Allons ! Amusez-moi, égayez-moi,
déridez-moi, mes belles heures empourprées !
Faites sonner en carillon, faites vibrer dans
l’air, les uns contre les autres, comme ferait
un sonneur qui marquerait ma journée, vos
mitres de papes, vos crosses d’évêques, vos
sceptres de rois, vos têtes branlantes, vos
mains pendantes, vos épées de capitaines, vos
chapelets d’ermites, vos éperons de cavaliers,
vos blasons,