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vos fuseaux. Allons aussi, mes griffons qui portez mes piliers sur vos têtes, ouvrez vos gueules. Allons, mes serpents, mes colombes de marbre qui vous pendez aux branches de mes voûtes ! Allons, mes rois chevelus, qui rêvez le long de mes galeries sur vos chevaux caparaçonnés dans un roc des Vosges ! Taillez, navrez, éperonnez leurs flancs, déchiquetez leurs croupes, brisez vos sceptres de granit sur leurs poitrails et leurs crinières de granit, tant que la pierre hennisse, tant qu’au loin, à l’entour, les cavales des Vosges demandent à leurs maîtres dans l’étable : maître, maître, où vont les chevaux de pierre qui hennissent ? Où vont les cavaliers de pierre qui montent à cette heure au galop, dans les tours, jusqu’au bord des nuages ? Allons, nains, anges, dragons aspidiques, salamandres, gorgones, incrustés dans les plis de mes piliers, gonflez vos joues, ouvrez vos bouches, criez, chantez avec vos langues et vos voix de porphyre ; hurlez dans l’arceau de la voûte, dans la dalle du pavé, dans la pointe de la flèche, dans la poussière du caveau, dans la niche de la nef, dans le creux de la cloche. Donnez-moi tous vos chants dans le pli de mon manteau, à moi qui monte au ciel avec ma plus haute tour. Encore ! Encore ! Oh ! Je veux monter plus haut. Encore un degré, encore un pan de mur, encore une tourelle, encore un fût rongé qui me grandisse assez pour que je jette leurs voix avec ma voix sur le plus haut nuage où le seigneur est assis !


Qui a tracé, il y a mille ans, sur un rouleau de parchemin, le plan de mes tours à dentelles, de ma nef dorée ? Est-ce un maître de Cologne, ou bien est-ce un maître de Reims ? Qui a tracé en vermillon le plan de mes colonnettes agiles, de mes portes rugissantes ? Est-ce un maître de