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Mob.

Allez ! Ne dites pas trop de mal de moi, en ce moment ; c’est moi qui donne un sens à l’homme, et qui, souvent, l’oblige de se faire éternel en une minute.



Ahasvérus.

Comment faut-il donc t’appeler ?



Mob.

Choisissez. J’ai tant de noms, qu’on en ferait une litanie :



Si l’on parle du ciel, Je m’appelle le vide ; de la mer, la tempête ; de la terre, l’abîme : si des arbres, je suis le cyprès ; des oiseaux, le vautour ; du feu, la cendre ; de la coupe, la lie ; de l’église, le caveau : si de la lance, je suis la pointe ; de l’épée, le tranchant ; de l’amour, l’heure d’adieu ; de l’espérance, la fumée ; du désir, le regret ; de la couronne, l’épine ; de la cloche, le glas : si des couleurs, je suis le noir : si d’Arabie, le désert ; la ruine, si l’on parle d’empire, si du fruit, je suis le ver ; si du monde, le néant ; si des rois, la poussière ; si de l’homme, le soupir ; et finalement, en toutes choses, je suis le rien.



Ahasvérus.

Que ne venais-tu, quand je te cherchais dans les vieux troncs d’arbres des forêts ? Souvent j’ai cru te voir me faire signe de ton doigt, à travers la fenêtre d’une basilique : je montais dans la tour, et je ne trouvais qu’un aveugle qui sonnait un glas d’agonie.