Appelle-moi de tous les noms que tu voudras, mais ne m’appelle pas ton ange.
Ahasvérus.
Tout me fait du bien à voir ici. Tout est enchanté
pour moi dans cette humble retraite. C’est là
que je voudrais passer des milliers d’années.
à cette fenêtre, que de fois tu as soupiré le
soir ! Que de fois, sous ces rideaux transparents
comme ton âme, tu as rêvé la nuit ! Voilà la
lampe qui éclaire tes pas quand tu abrites du
vent sa lumière sous ta main. Voilà ta mandoline
que j’ai entendue avant de connaître le son de
ta voix, en marchant dans la rue. L’acacia, qui
est planté vis-à-vis, a jeté ses fleurs sur le
planchr, et on respire ici un parfum de
printemps dans toutes choses. On dirait que
des voix de fées résonnent dans l’air, et que
les rayons des étoiles entrent en tremblant
d’amour pour demander si tu veilles.
Rachel.
Il n’y a point d’autre enchantement ici que ta
voix quand tu parles.
Ahasvérus.
Laisse, mon amour, tes cheveux dénoués sur tes
épaules, comme ils étaient quand je suis entré.
Dans chaque anneau, jusqu’à terre, j’ai mis
une pensée de mon cœur, une année de ma vie.
C’est mon âme qui s’évapore quand tu secoues
leur parfum sur tes pieds.
Rachel.
Bien souvent, avant toi, ils ont servi à essuyer
mes larmes.
Ahasvérus.
Maintenant, ils t’enveloppent, comme deux ailes
qui se ferment.
Rachel.