fut si grande, qu’il fut obligé de s’appuyer sur moi, et il ne me dit plus rien ce soir-là.
Berthe.
Pense aussi que sa condition est au-dessus de la
tienne. Bien souvent, ces fils de prince
s’amusent de nous avec de belles paroles qui
nous font pleurer ; ils jouent, eux ; mais
nous, c’est la mort.
Rachel.
Lui, il ne joue pas, sois-en sûre. Si tu entendais,
dans un seul mot, comme il met toute sa vie.
Mon dieu ! Il me semble que je l’ai toujours
connu ; il est si facile de distinguer les
voix de celui qui nous aime et de celui qui nous
trompe. Non, il ne joue pas. Lui qui a vu tant
de choses, il semble, quand il est avec moi,
qu’il n’a vu que moi au monde ; un enfant ne
serait pas plus soumis ni plus facile à contenter.
Berthe.
Quel homme inconcevable ! Certainement, je crois
qu’il t’aime ; mais son amour ne ressemble à
celui de personne. Quand il te parle, il y a
dans ce qu’il dit autant de peine que de
bonheur. Il est trop ardent, trop violent, trop
passionné pour la vie ordinaire. Il ne dit rien,
il ne fait rien comme un autre. Va ! J’ai bien
peur qu’il ne te rende pas heureuse, et je
n’entrevois rien de bon pour votre avenir.
Chambre de Rachel.
Ahasvérus, Rachel.
Ahasvérus.
Oui, mon ange, c’est dans cette chambre qu’est
mon ciel. Je n’en demande point d’autre.
Rachel.