tous deux, à travers le pont, dans l’eau du Rhin : ; cueillir, dans la haie, des roses sauvages, puis après en faire des guirlandes qu’on pend aux murs de sa chambre ; chanter, en faisant son ouvrage ; écouter l’orgue de l’église, et, le soir, la trompe du veilleur ; passer des heures entières sans se rien dire ; voir l’hirondelle bâtir son nid à votre fenêtre ; tout préparer dans la maison quand un voisin vous visite ; y veiller sur chaque chose, tous les jours refaire ce qu’on a déjà fait la veille : cela est le bonheur, et tu le connaîtrais si tu voulais.
Rachel.
Nous ne demandons, pour nous, pas autre chose.
Berthe.
Quand vous êtes si longtemps ensemble, ton fiancé
et toi, de quoi parlez-vous donc ?
Rachel.
Il me raconte ses voyages ; il me dit le nom des
îles où il a passé, comme son cœur y était
triste ; les bords des lacs, les forêts, les
bruyères, les batailles, les tempêtes sur mer,
les nuits dans les déserts. Moi, je reste
suspendue à ses paroles, comme sur des ailes
enchantées ; quand il a fini, il me semble que la
musique des anges vient de se taire ; je ne
peux m’empêcher de pleurer, et c’est lui qui
essuie mes larmes.
Berthe.
Ses sentiments semblent fort honnêtes, et il n’a,
je crois, que de bonnes intentions. Il est
cependant étonnant qu’il ne te parle pas de
t’épouser.
Rachel.
Depuis le jour où il m’a rencontrée avec toi, je
sais bien que rien au monde ne peut plus nous
séparer. Nous nous sommes plus nécessaires tous
deux que l’air que nous respirons.