Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VIII, 1858.djvu/233

Cette page n’a pas encore été corrigée

se berçait, tout palpitait de mon souffle. à chaque haleine, je disais, sans parler : aimez-moi, pardonnez-moi ; et de l’abîme sans fond il sortait à demi, en tremblant un soupir.



Mob.

Vous faites l’océan plus pudique qu’une jeune fille. Sa réponse est tout ce que vous pouviez en espérer.



Ahasvérus.

Je croyais, mais à tort, pouvoir noyer un jour mes désirs dans son immensité.



Mob.

Qui trop embrasse mal étreint, vous le savez. C’est, permettez-moi, une grande vanité de notre temps de croire que la nature ait des sympathies ou des antipathies pour qui que ce soit. La nature a des atomes, et voilà tout ; vous m’avouerez qu’elle aurait fort à faire de se mettre à la disposition du premier venu qui voudrait la faire confidente de ses vapeurs. C’est une chose triste à dire, mais une chose vraie ; et, si vous êtes de bonne foi, vous devez reconnaître que tous vos maux sont en vous-même.



Ahasvérus.

Ainsi tout me fuit, tout tombe, tout croule en cendres autour de moi.



Mob.

Point du tout. Si, à toute force, il vous faut une religion, l’amour, quand il est pur, en est une à sa façon. Vous avez de la fortune, de la naissance, vous êtes indépendant, vous pouvez vous en passer la folie.



Ahasvérus.

Le croyez-vous ! Oublier l’univers qui m’échappe, m’abriter tout entier dans un cœur ami ; en faire mon ciel, mon culte, mon toit, ne chercher que lui, n’entendre que