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N’achevez pas ; j’en suis déjà rassasié.



Mob.

Que vous êtes bien terriblement blasé pour votre âge, et que les gens, à cette heure, vivent vite ! Monsieur. Mais il vous reste encore des ressources, et vous auriez le plus grand tort de perdre courage. Vous pouvez vous jeter dans les bras de la religion.



Ahasvérus.

Expliquez-vous. Je vous avoue que plus d’une fois, en entendant les cloches d’une abbaye, j’ai frémi par tout mon corps ; dans ce moment, j’enviais le repos d’un ermite dans son moustier.



Mob.

Ma secte, à moi, c’est le méthodisme. La vie s’y passe à vivoter. Je vous la ferai connaître si vous le désirez. Imaginez-vous que nous avons réduit la vie entière à cinq ou six petites maximes qui, bien comptées, bien supputées, tiendraient ensemble dans une coquille d’œuf.

Terre, ciel, eaux, nuées, tout ce qui entre dans la coquille, voilà l’univers ; tout ce qui n’y peut pas entrer, voilà le néant. J’espère que la division est facile à retenir, et vous verrez qu’il est vraiment fort commode de posséder ainsi à chaque heure tous les secrets de la vie, tous les mystères de l’âme et du ciel, toute la science du cœur et de la nature, sur un bout de papier grand au plus comme une recette contre la migraine.



Ahasvérus.

Si vous ne raillez pas, cette idée est désespérante.



Mob.

Moi, railler ? ... y songez-vous ? Une conversion comme la vôtre ferait mon bonheur ; et, pour vous ramener au pur esprit de l’évangile, mon directeur Paulus vous enseignerait