rassurez-vous, les sanglots que vous avez entendus venaient d’un excès de joie.
Mob.
Joie, douleur, il est pardonnable, n’est-ce pas ?
De les confondre. Aussi, pourquoi ont-elles le
même cri ? Déjà je m’y suis trompée, et j’ai
donné souvent, pour ces deux syncopes, le même
remède.
Ahasvérus.
Ce que vous dites, ma chère, est plus vrai que
vous ne pensez ; mais, sans le vouloir, vous
renouvelez toute ma peine.
Mob.
Excusez-moi, mon intention était bonne. Hélas !
Tous les hommes de ce temps-ci sont faits comme
vous. Que sont devenus l’armure de fer et les
brassards de leurs pères ? Dans leur sein, ils
ont tous une plaie : on ne peut les toucher sans
leur arracher un cri ; les lèvres les blessent,
un mot les tue.
Ahasvérus.
Soyez sûre que ma peine, à moi, est sincère, et que
vous en prendriez pitié, si vous la connaissiez.
Mob.
Mon Dieu ! Je la partage d’avance. Ma tête se
sèche pour vous trouver un remède. çà, que
n’essayez-vous de voyager ? Le changement d’air
dissiperait votre mélancolie. C’était ma grande
ressource à moi. Quand j’étais jeune : pour
chaque peine du cœur, un climat nouveau ; rien
que la poussière de mon chemin me faisait déjà
du bien.
Ahasvérus.
Il y a quelquefois, au fond de l’âme, un vide que
la poussière de tous les mondes ne suffirait pas
à combler ; je l’ai éprouvé. Et puis encore, où
irais-je ?