miettes autour de la table ronde. Au son du cor,
dans la forêt, j’ai convoqué céans la cour d’Arthus.
Douze pairs se sont armés de toutes armures.
De maintes reines qui s’éveillent, Yseult est
la plus riante, et la plus belle, et la plus
blonde. De maints barons qui vont chevauchant,
son amant est le mieux fait, et le plus courtois,
et le plus vermeil. Bai est son cheval, sa
lance roide, son mantel vair d’écarlate. Ducs,
pages, demoiselles aux cheveux d’or, depuis
mille ans dormaient dans la forêt de Brocéliande.
Tous disaient quand je passais : éveillez-nous
au son du cor.
Au son du cor, avec l’écho, éveillez-vous en
Espagne, où les figues mûrissent, rois maures,
arabes d’Orient et d’outre-mer Galilée. Sur
notre enclume d’émeraudes, le sabre du prophète
s’est courbé comme une couleuvre de bruyère.
Sur sa lame, un négroman, de nos parents, a
gravé des mots magiques. Dans Grenade la belle,
à sa fenêtre que nos ciseaux ont découpée, la
sultane s’est assise. Notre pinceau teint ses
cils, notre lime polit son sein. Plus pâle que
la rose de pré, au loin elle regarde les
minarets qui nouent sur leurs fronts leurs
turbans de pierre, les agas sur leurs cavales
écumantes, les lévriers qui bondissent, et
encore l’éclair des yatagans qui jaillissent
des fourreaux, et les tentes panachées qui
frémissent au cri des clairons, et les forêts
qui petillent (ah ! Le bel incendie), et la
bataille qui hurle. Va, citronnier d’Espagne,
fane-toi ; j’ai dépensé sur ses lèvres plus de
parfum que sur tes branches. Mer de Cadix,
sèche-toi ; dans ses yeux, j’ai mis plus
d’azur, couleur du ciel, que dans ton flot,
plus que sur ton rivage où les mules se
baignent, plus que dans ta baie, plus que
dans ton golfe, dont les galères et les
vaisseaux à trois ponts sont amoureux, plus que