e pour filer.
A présent, auprès de nous, tous les anciens dieux
sont devenus des nains, grands à peine pour
porter la queue de notre robe. Jupiter est un
nabot ; son père, le temps, un esprit follet qui
meurt dès qu’il paraît. Là-bas, dans le carrefour,
voyez ce génie qui s’oint la tête d’une goutte de
rosée ; c’est le vieux Dieu de Chaldée qui se
blottit pour n’être pas vu du Dieu-géant des
cathédrales. Celui qui tremblote sous une
feuille sèche trônait, il y a deux mille ans,
sous un temple de granit ; et ce lutin, qui
porte en ricanant pour caducée un brin de
chaumine, c’est Memnon découronné, que sa
ruine a rendu fou. Sylphes, goules, gnomes,
tout l’Olympe tiendrait aujourd’hui dans un
creux d’arbre. Poussière de dieux, ces colosses
des païens regardent, tremblants sous la ramée,
sous les aunes, sous le toit du bûcheron, si
notre chariot à deux roues ne vient pas les
écraser.
Rome la louée, où est donc ton empire ? D’un
revers de la main, j’ai brisé ta courte épée.
En soufflant dessus, j’ai rouillé ton casque.
De mon marteau de diamant, j’ai démantelé tes
murs, et dans mon tablier de soie j’ai emporté
ta poussière. Sur leurs chars ailés, les fées
grimpent autour de ta colonne triomphale, par
les portes de tes villes ciselées, par tes routes
sculptées, à travers tes légions de pierre,
avec des boucliers de nacre, avec des épées
fourbies dans un rayon d’été ; d’estoc et de
taille, elles balafrent tes armées. Entends-tu
leur fouet de fil d’araignée qu’elles font
claquer à ton faîte sur tes nains amoncelés ?
Rome est à bas. Faisons la fête ; mangeons ses