s ton suaire éternel, au fond du roc taillé dans ton Calvaire de Golgotha. Miséricorde !
Qui a crié miséricorde ? Est-ce toi, Ahasvérus ?
Ah ! Les anges vont ricaner au plus haut du
ciel. As-tu oublié le porte-croix qui est
passé à ta porte à Jérusalem ? Qu’as-tu
mis dans tes oreilles pour que sa voix ne
bourdonne plus autour de toi ? Et dans tes
yeux, pour qu’ils ne voient plus ses yeux qui
flamboient et le doigt de sa main qui se
soulève sous son manteau ? Dis, Ahasvérus,
qu’as-tu fait ce jour-là ? Ce chemin pierreux
qui va à Golgotha, ce figuier mort, sous ce
figuier cette foule ivre, ces femmes qui se
traînent sur leurs genoux, ce râle de leurs
lèvres, et cette voix qui a résonné dans la
moelle de tes os ; tu t’en souviens, n’est-ce
pas ? Tu voudrais que ce fût un songe, un songe
de mille ans, n’est-ce pas ? Mais ce n’est pas
un songe, non plus, que cette cigogne qui passe
sur ta tête, et qui va chercher son gîte sous
un roseau ; et toi non plus, tu n’es pas
l’enfant de ton rêve. Ne sens-tu pas ton cœur
peser dans ta poitrine comme une lourde
pierre dans la main du frondeur ? Et cette
ville, non plus, n’est pas un fantôme formé
sous la tombe dans le crâne d’un mort. Ses
pavés retentissent, ses créneaux reluisent,
ses cloches bourdonnent, et son église, pour
te maudire, s’agenouille sous ses tours comme
un homme qui se traîne sur les mains sous le
poids de sa croix. Frappe à chacune de ces
portes : à chacune d’elles il y a des hommes
comme toi ; ils ont des yeux comme toi, non
pas pour dévorer, comme toi, une larme
éternelle, mais pour se baigner, pendant leur
court été, dans des regards d’amour ; ils ont
des lèvres comme toi, non pas pour boire,
comme toi, la poussière des vallées et le sel
de la terre, mais pour boire leur vie rapide
sur les lèvres de leurs nouvelles épousées ;