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ma couronne luisante, mes chapes de saint et les fers de mon cheval ? Depuis ce temps, ma couronne s’est ternie dans le brouillard ; mon cheval bai a perdu dans la forêt d’Ardennes ses fers d’or ; oh ! La terre a vieilli, saint éloi, comme mon château qui s’écroule ; nos tours décharnées, ouvertes au vent, sont de grands squelettes qui portent sur leurs têtes une couronne de créneaux. La fin du monde approche. Voyez ! Nos cathédrales s’habillent de noir l’une après l’autre, comme des pleureuses qui s’agenouillent, sous des crêpes, au bord des fosses. Les étoiles qui se lassent de briller sont des abeilles d’or qui se ternissent sur le manteau royal du seigneur.

En attendant le jugement dernier, les morts soulèvent de leurs ongles le gazon du cimetière pour être prêts aux premiers sons de la trompe. Ceux qui ont entendu la cornemuse du veilleur s’asseyent déjà dans les carrefours, ils se penchent aux balcons des châteaux. L’ange de mort bat des ailes contre les vitraux des églises ; c’est lui qui efface du souffle de sa bouche leurs manteaux de vermillon et leurs robes purpurines.



Saint Eloi.

Vous l’avez dit, ô mon roi ! Nos meilleurs jours sont passés. Le monde est aujourd’hui une grande messe des morts. La terre est le cercueil suspendu dans la nef. Les rois chevelus mènent le deuil. Quand les peuples ont pleuré le jour ce qu’ils doivent pleurer, les étoiles du soir, et les eaux en murmurant pendant la nuit, disent encore : miserere. gardez bien, sans faillir, à votre main, votre sceptre et votre bulle, comme moi ma palme de saint, pour que l’ange de mort, quand il criera à votre porte, vous reconnaisse sans tarder, et vous conduise dans la niche de cristal qu’il a bâtie pour vous attendre sur un roc de Josaphat.



Le Roi.