l’épine.
A présent, votre cavale ne veut plus de
cavalier ; vous l’avez trop et trop éperonnée.
Dans sa bouche frémissante le mors s’est
brisé. Hennissante, par un chemin ensorcelé
elle vous entraîne dans son pâturage, où
rien ne sert de lui flatter la croupe. Là
vous apprendrez, à votre tour, combien de
cheveux peuvent blanchir en une nuit sur
une tête découronnée ; vous verrez si
l’aiguillon de l’exil était doux, et si le
mal du pays ne prend au cœur que les
manants ; vous verrez s’il fait bon, étranger,
bégayer une langue étrangère, si bien que,
lorsque vous demandez l’huile pour votre
plaie, on vous donne le sel et le vinaigre.
Aujourd’hui votre table est pleine ; demain
vous troquerez des passants votre couronne
contre un morceau de pain d’orge ou d’avoine ;
et, vous rencontrant les uns les autres sur
votre sentier, pâles, vous vous assiérez par
terre pour pleurer ensemble une larme, non
de rois, mais de vilains.
Voilà, spectateurs, bourgeois, marchands,
citoyens, ce que j’avais à dire sur ce qui
vous concerne. Le temps presse, je ne puis
rien ajouter. Ceux qui vous parlent autrement
que moi, ne les entendez pas ; ôtez-les de vos
assemblées et de vos gouvernements, et
regardez-les comme vos méchants ennemis ;
car, si vous suivez d’autres conseils que
les miens, vous vous en repentirez, et la
chose publique périra : au contraire, si vous
faites ce que je vous dis, je vous tiens pour
gens justes, glorieux et raisonnables. — Et
maintenant, sans détourner la tête, écoutez
la troisième journée, vous tous qui vous
intéressez à la conclusion de ce mystère.