uche de la main, ces vieux coursiers, qui se rappellent quelle herbe sanglante ils ont rongée, crient encore : menez-moi paître un champ de gloire.
Mais vous, sans rien dire, vous les conduisez par la bride dans un chemin où croît une moisson de honte, dont ils ne veulent ni le chaume ni l’épi. Hommes de Lodi, de Castiglione, de Marengo, où êtes-vous ? Sortez de terre. Vous vous êtes couchés une heure trop tôt. Venez faire la tâche que vos enfants n’ont pas le cœur d’achever. Si froids que vous soyez, si pâles que vous ait faits la mort, c’est bien le moins que vous valiez vos fils.
Car, à mon avis, votre plus grand tort, le
voici : qui est d’avoir laissé deux fois
environner, fouailler et fourrager ce grand
pays par vos méchants ennemis ; vu qu’il valait
mieux rendre l’âme jusqu’au dernier, les
hommes et les petits enfants de deux mois
environ, et servir tous ensemble de curée
aux corbeaux, que d’avoir sur le corps une
semblable avanie. Et encore, je vous dirai
que j’aimerais mieux, pour ma part, voir la
bonne moitié de vos villes désertes encore à
ce jour et renversées par la flamme et la
bataille, mais avec des âmes cuirassées et
bardées d’espérance dans le peu qui en
resterait, que toutes vos cités debout avec
force bastions et murailles bien alignées,
mais avec tant de cœurs navrés de mort, qui
s’en vont sur les places affichant leur affront,
et pavanant leur défaite.
Pourtant, je veux, comme il est nécessaire, saluer la terre de France qui vous nourrit.
Salut à ses quatres fleuves tous remplis jusqu’aux bords ! à ses villes pleines aussi jusqu’au toit d’hommes vaillants et en colère ! à ses sillons de froment, d’avoine, bien engraissés pour cent ans