chevaux bondissent, je te donnerai une coupe d’or pleine du lait de ma cavale.
L’Ermite.
Archers et cavaliers, vous arrivez bien tard.
Hier je suis venu à votre rencontre ; je vous
ai attendus ici en feuilletant mon livre. Les
vautours sont passés, les corbeaux après eux.
Les loups sont arrivés cette nuit à ma porte
et je leur ai montré la route. Il n’y a que
vous qui soyez restés si tard à la porte de
vos huttes.
Attila.
Compagnon, qu’est-il donc arrivé ? Tes yeux
scintillent dans ta niche comme l’oeil de
l’épervier dans son nid ; ton livre flamboie
comme le livre de la mort.
L’Ermite.
Dites-moi si vous n’avez pas entendu les fleuves
sangloter dans les vallées quand vous étiez si
longs à attacher vos selles et à plier vos
tentes. N’avez-vous pas rencontré sur votre
route deux étoiles qui brillent comme les
yeux d’un homme à l’agonie, un nuage qui roule
sur la montagne un linceul taché de sang, une
forêt qui gronde comme des chants de prêtre sur
le bord d’un tombeau ? Ce sont mes yeux qui
brillaient dans les étoiles ; c’est mon manteau
qui pendait dans le nuage ; c’est ma voix qui
grondait dans la forêt. C’est que le Christ est
mort. Il est mort, mon fils, le Dieu de la
terre, et mes archanges chassent à coups de
fouet vos chevaux devant ma porte. Ne vous
arrêtez pas à boire dans mon puits ; ne vous
mettez pas à l’ombre sous mon porche. Allez !
Courez ! Effacez sous vos pieds le sang qui
souille encore la terre ; déracinez les villes
avant que j’aie fini la dernière page de mon
livre. à la place des peuples, faites un grand
cimetière où croîtra l’herbe drue comme dans
le jardin