le second a pris des sandales
ferrées pour monter sur les Alpes ; le troisième est
descendu là où le Danube creuse son lit. Oh !
Qu’ils tardent à revenir ! L’ombre s’accroît
au pied de mes tours, l’épouvante dans mon
cœur. Mais, Italie, qu’as-tu donc fait que
les cigognes emportent leurs petits des toits
de Rome et de Florence ? Je ne peux pas,
comme elles, emporter tes villes, et les
cacher sous les branches des arbres, dans les
rochers et les forêts de la Sardaigne.
Qu’as-tu donc fait de ton ciel azuré, de tes
fleurs d’orangers, de tes golfes assoupis,
de tes forêts de myrtes, de tes montagnes
de marbre, que tu trembles comme une esclave
engraissée pour les lions du cirque ? Si
tu étais encore endormie dans le berceau
de Rome, au moins on pourrait te cacher
sous un toit de chaume, sous un bois de chênes ;
tu mangerais ton pain en sûreté, comme
l’enfant à la porte de son père. Car alors
ton soleil était doux, ta mer était paisible,
tes îles étaient parfumées, quand tes peuples
naissaient avec les herbes de tes rivages ;
mais, à présent, tes fleurs respirent le sang,
et l’hysope du Golgotha croît partout sur
tes montagnes. ô Italie ! Qu’as-tu donc fait ?
Le bruit qui m’a réveillé dans la nuit
s’approche à chaque instant ; on dirait que le
cheval de l’apocalyse court échevelé sur le
penchant des Apennins, et qu’il frappe de la
corne de ses pieds les tombeaux qui bordent les
chemins de l’empire.
(un messager arrive au pied de la tour.)
salut, beau messager ; qu’as-tu rencontré sur
ta route ?
Le Messager.
J’ai rencontré dans les forêts des aigles qui
glapissent et des loups qui hurlent dans les
ravins. N’est-ce pas là le bruit qui vous a
éveillé ?
(un autre messager arrive.)
L’Empereur Dorothéus.