qu’ont faits d’avance pour moi les daims et les
cerfs errants ; vals, forêts, marécages où se
promènent les buffles et les hérons ; pics,
rochers, îles où nichent les hirondelles de
mer, aiguisez vos épines pour mes pieds. Semez
au loin d’avance vos champs d’hysope pour ma
moisson. Mêlez dans le tronc des vieux chênes
vos larmes avec le venin des serpents pour ma
soif. Oiseaux de nuit, émérillons à l’oeil qui
flambe, vautours qui cherchez une proie,
chamois qui buvez dans les sources salées,
corneilles de cent ans, aigles qui portez des
couronnes à des rois qui ne sont pas nés encore,
quittez vos nids au bruit de mes pas dans la
feuillée. Cédez-moi ma place pour une nuit.
Allez, marchez devant moi pour me préparer
mon gîte.
La Vallée de Josaphat.
Par mon sentier le plus chenu, voici au loin le
voyageur que mon maître a maudit. Quand tous
les morts qui m’ont ensemencée m’appelleraient
par mon nom, ils ne feraient pas tant de bruit
que le souffle des naseaux de son cheval.
Son ombre grandit sur mon sable plus que
l’ombre de tout un peuple qui passe. Ses
pieds, là où ils s’arrêtent, creusent mon roc
plus que les pieds d’un empire. Son âme,
dans mon sein, m’est plus pesante à porter
qu’une ville à lourds créneaux, et les soucis
de son front m’attristent plus qu’un nuage
du Taurus.
Ahasvérus.
Cette vallée étrange s’allonge toujours sous mes
pas. Son maître l’a semée partout de cendres
pour épargner les pieds des jeunes cavales.
Est-ce le cou d’un vautour