Ils arrivent, ils sont là, ils passent, ils reculent ; leurs cris remplissent la rue ; si cet homme était un vrai devin, le vent qui souffle du désert renverserait les terrasses avec les tours. C’était un faux devin ; mort sur lui !
La Foule.
Si c’est un magicien de Chaldée, il a pour
serviteurs dans le désert, sous les restes
des villes, des licornes de marbre, des lions
ailés dont les esprits ont taillé la crinière
avec des ciseaux d’or ; il a pour messagers
des sphinx qui se reposent de leurs courses
à la porte des temples, dans des blocs de
rochers. Qu’il dise à ses griffons d’arriver
pour lui faire son cortège ; mais l’aile de
ses griffons est trop pesante, le sommeil
de ses sphinx est trop lourd. Avant que son
troupeau ensorcelé de licornes et de lions
ailés bondisse autour de lui, avant que les
ibis et les éperviers de pierre descendent
de leurs obélisques pour le défendre, voici
les vautours de Judée qui vont prendre demain
sa couronne sur sa tête, pour la porter dans
les bois à leur nichée. Oh ! Non, ne
t’arrête pas dans ta nichée, mon vautour du
Carmel ; monte plus haut que le roc, monte
plus haut que la nue, monte plus haut que
l’étoile, monte jusqu’à Jéhovah : -sais-tu
ce que j’apporte à mon bec ? ô Jéhovah !
Vraiment, ce n’est pas un brin de laine
de Joppé, ce n’est pas une verveine de
bruyère ; c’est la couronne d’épines de
Judée, que j’ai prise au Calvaire, sur la
tête de ton fils de Nazareth.
Ahasvérus.
à mesure qu’il avance, son auréole brille mieux
que celle d’un prophète élu ; c’est encore là
un de ses enchantements.
Le Christ.
Est-ce toi, Ahasvérus ?
Ahasvérus.