vaisseaux, à la croix des chemins,
sous la lampe, dans les hôtelleries. J’irai
m’asseoir sur le bouclier du soldat, dans les
tours d’ermites, à la fenêtre des prud’hommes,
dans les chapelles, à la porte des églises,
sans toit ni auvent, sur la borne des rues.
Par le plus haut escalier, je veux monter
dans une cathédrale sous une niche tout
ouverte, pour crier aux quatre vents : père,
nous avons faim et soif, et je n’ai plus de
lait ; apportez à votre enfant votre journée
entière de quoi vivre jusqu’à demain.
Je ne demande pas de voile d’or ni de ceinture
de jeune mariée. Je ne demande pas deux
bracelets ni un collier de verre, comme en
portent les vierges quand elles vont à la
fête. Je demande un pan de laine pour le plus
grand roi des rois. S’il venait à mourir si
petit dans mes bras, qui me ferait mes habits
de deuil pour pleurer ? La nuit, en hiver,
ne serait pas assez brune ; la neige, à noël,
ne serait pas assez blanche ; pour me faire
ma tour, le bois d’ébène ne serait pas assez
noir ; pour me faire mon voile, le firmament
ne serait pas assez long.
Allez, rossignols, ne chantez pas si matin ;
petits des cigognes, ne vous levez pas si
tôt. C’est moi qui ai endormi mon seigneur ;
c’est moi qui veux le réveiller. Vous n’avez
rien à porter que vos crêtes de rosée ; lui,
si petit, il faut qu’il porte, sans plier,
sa couronne de Dieu. Qu’il dorme, qu’il
dorme encore ! J’ai semé dans son jardin du
basilic, et j’ai peur qu’il ne cueille des
larmes en se levant.
Le Christ, en s’éveillant.
Ma mère, prenez-moi dans vos bras. Les rossignols
chantent déjà, les petits des cigognes secouent
déjà leurs ailes.
La Vierge Marie.