Ah ! C’est vous, ma sœur. D’où venez-vous ? Vous n’apportez pour votre part ni amulettes ni reliques à votre cou ; vous n’avez pas seulement dans votre temple une toile usée de tisserand pour emmailloter une idole. Venez-vous encore cette fois, en mendiant, m’emprunter mes dieux sans gage ?
Jérusalem.
Je vous en apporte un meilleur que tous les vôtres.
Babylone.
Gardez-le, ma sœur, votre ancien dieu ; de quoi
nous servirait-il ? Il est fait comme vous. Il
n’a ni laine ni pan d’habit pour se vêtir ; il
est nu dans son abîme comme vous sous votre toit.
Il est errant à travers sa vide éternité comme
vous l’êtes par nos chemins. La nuit vient ;
point de temples pour l’enfermer : la pluie
tombe ; point de manteaux pour le sécher. à son
âge, vieux d’années, il s’en va seul en exil,
au dernier fond du firmament, battu du vent
et de la tempête, sans se reposer jamais,
comme vous, pauvre captive, en traversant le
désert sous les verges de nos archers.
Jérusalem.
écoutez-moi, j’apporte une nouvelle.
Les Villes.
Quelle nouvelle ?
Jérusalem.
J’étais allé loin, plus loin que vous, jusqu’au
bord de la mer de Joppé pour me baigner les
pieds et regarder où le monde finit. Mes
prophètes étaient montés sur ma plus haute
tour. Cette nuit, avant le jour, ils m’ont
appelée pour voir dans Bethléem un Dieu
caché dans une crèche d’étable : voyez,
voyez, Jérusalem ; il porte sur sa
tête