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Les états condamnés, les nations finies,
Les cadavres d’empire et les choses vieillies ;
Ou fouler sous ses pas un monde paresseux ;
Ou soi-même attacher un bandeau sur ses yeux ;
Ou des dieux écroulés relever la machine
Pour les ensevelir dans sa propre ruine ;
Ou jouer l’univers pour la dernière fois ;
Ou clore le sépulcre et la liste des rois.
J’ai couronné le peuple en France, en Allemagne ;
Je l’ai fait gentilhomme autant que Charlemagne :
J’ai donné des aïeux à la foule sans nom.
Des nations partout j’ai gravé le blason ;
Je leur ai fait veiller leur longue veille d’armes ;
Et j’ai sacré leurs fronts dans le sang et les larmes.
Voilà ce que j’ai fait ; je ne m’en repens pas ;
Et je le referais dans les mêmes combats.
C’était l’œuvre de Dieu ; qu’il l’achève à sa guise !
C’est lui qui me poussait, et c’est lui qui me brise.
Mes fautes sont à moi ; mon génie est à tous,
Et ma vie est remplie… amis, consolez-vous.
Demain je vais mourir. Mais, comme un vieux pilote,
Mon fantôme en cette île où l’océan sanglote,
Au vaisseau radoubé d’une autre humanité
Apprendra le sentier de la postérité,
Et montrera du doigt et le port et la plage,
Et l’abîme divin où l’homme fait naufrage.
Demain, je vais mourir, mais non pas tout entier.
Tout courbé que je suis, à mon étroit foyer