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Moscou, la ville sainte, en ses habits de fête.
La porte s’ouvre. Allons ! Entrons en ma conquête. "

Mais, voyez ! Sur le seuil dès qu’il a mis le pied,
Les portes après lui se brisent à moitié.
Les tours, les hautes tours, de colère enivrées,
Jettent bas leurs créneaux, leurs coupoles dorées ;
Hurlantes jour et nuit, autour de la cité,
Comme fait la panthère, en son gîte insulté.
Adieu les minarets ! Adieu les vastes dômes !
Les murs amoncelés de vingt et vingt sodomes !
Adieu, temples, bazars ! Adieu, vieille Babel,
Où s’entassaient aussi, sous son toit éternel,
Gomorrhe sur Sodome, Adama sur Gomorrhe,
Sur Adama Sidon, et cent villes encore.
Tout s’écroule à la fois. Sous le souffle de Dieu
La cité s’est changée en une mer de feu,
Où comme les vaisseaux qui passent vers Candie
Les palais sur le flanc sombrent dans l’incendie ;
Et la vague sanglante, en léchant son rivage,
Ouvre sa large gueule et dévore la plage.
Ah ! Sire ! C’en est fait ! Fuyez comme un faucon.
Voyez ! Voyez au loin, du haut de son balcon
La tour de Saint-Ivan, ainsi qu’une sorcière,
Se balance en hurlant sur l’immense chaudière ;
Et comme le berger qui rallume son feu
Voyez sur le brasier, la main, la main de Dieu !
C’en est fait ! Un royaume a passé comme une ombre.
Tout pâlit ; tout se tait ; la nuit est froide et sombre.