Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée


Et voici vers le soir, comme auprès de Sodome
Qu’un ange des combats, sorti de son royaume,
Et qui faisait trembler le monde d’un regard,
Arriva, voyageur, au pied du haut rempart.
Son ennui sur son front cachait son diadème ;
Puis, voyant cet empire, il se dit à lui-même :
" Ici, je régnerai, demain, quand sur le seuil
Passeront couronnés tous mes rêves d’orgueil.
Ici, par ces degrés, dans ces tours inconnues,
Mon nom retentissant montera jusqu’aux nues.
Du haut de ce balcon, mes désirs surhumains
Domineront l’abîme et mes altiers destins.
" Peut-être, qui le sait, là, dans mon sein de flamme
Sur le chevet des czars, j’assoupirai mon âme.
En leurs cieux ténébreux, peut-être qu’aujourd’hui
Mon étoile m’attend pour guérir mon ennui ;
Et tant de toits dorés sauront bien, sous leur dôme,
De tant d’espoirs tombés abriter le fantôme.
" Peut-être aussi que là, mieux qu’au pied du Carmel,
Tout néant resplendit et devient éternel,
Qu’un homme est moins petit, et que toute fumée
S’aperçoit de plus loin et devient renommée ;
Et qu’en ces grands déserts, un nom plus aisément
Surgit, ainsi qu’un mont, sur son haut fondement.

" Mon âme, allons ! Debout ! Et, sans nous en dédire,
Pour la dernière fois, jouons ici l’empire.
Demain la providence, aujourd’hui le hasard.
Ne faisons pas attendre ainsi sur son rempart