Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/255

Cette page n’a pas encore été corrigée

Arcole aux pieds légers, assise en ses marais,
N’est-elle plus ma fille ? Et sous ce même dais,
N’ai-je pas vu grandir Montenotte, l’aînée,
Rivoli, d’un flot bleu dans l’Adige baignée,
Lodi, qui sur son front porte un bandeau d’airain
Et des fleurs de tombeaux qu’elle effeuille en sa main ?
Vos batailles d’égypte, au milieu des ruines,
Errantes au désert, sont-elles orphelines ?
Pour cueillir votre gloire et suivre vos sentiers,
Ah ! Jamais vous n’aurez de meilleurs héritiers
Que vos douze combats, aux visages numides,
Qui pendent leurs berceaux au pied des pyramides !
Moi, j’étais votre armure au milieu des combats
Et votre bon génie ! Oh ! Ne me quittez pas !
Non ! Quand je serai morte, à votre chevet, sire,
Qui priera dans la nuit pour vous et votre empire ?
—Mon épée, en ma main, priera dès mon réveil,
Et mon étoile d’or priera dans mon sommeil.
Ne pleurez pas, madame ! En vos vastes domaines
Vous aurez cent châteaux, autant qu’en ont les reines.
Vous garderez au front votre couronne d’or ;
Les peuples à genoux vous salueront encor.
Vous aurez cent hameaux, des échansons, des pages
Qui dans des plats d’argent porteront vos messages.
—qu’ai-je besoin de page et de plats de vermeil
Pour porter ma douleur, nuit et jour, sans sommeil !
Qu’ai-je besoin d’un dais, en mes vastes domaines ?
J’ai des pleurs dans mes yeux autant qu’en ont les reines.