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Sur ses tapis d’azur, que ce bal d’empereurs
Est noble dans sa joie et qu’il foule de fleurs !
Et quand elle sourit sous ses tresses d’ébène,
Que ce rubis sied bien sur le front d’une reine !
Que ce couple, surtout, sous le pavois monté
Est beau dans son orgueil et dans sa majesté !
L’épouse a les yeux noirs comme une tourterelle,
L’époux est un aiglon ; son regard étincelle.
À cette heure, silence ! Au milieu de cent rois,
Voyez ! Leurs bouches d’or parlent à demi-voix !
—Ah ! Que le cœur me serre au milieu de la fête !
Sire ! Et que ma couronne est pesante à ma tête !
Je sens sous ce pavois un cruel aiguillon.
À mes lèvres ma coupe est pleine de poison ;
Et je voudrais pleurer dans cette foule d’hommes.
—Madame, on vous entend, prenez garde où nous sommes.
—oh ! Laissez-moi parler ! Je parlerai plus bas.
Je suis encor la reine, et ne l’oublierai pas.
Mais demain que serai-je ? Une herbe balayée
Sous les pieds des passants, une répudiée ;
Quoi de plus vil encor ? Sire, dites-le-moi.
Vous voulez me quitter pour la fille d’un roi.
—Joséphine, il le faut. Sous mon dais solitaire,
Je n’ai point d’héritiers à qui laisser la terre.
—Eh ! Qui donc, avant vous, a vu dans sa maison
Assis en son foyer tant d’enfants de son nom ?
Austerlitz et Friedland à l’haleine glacée
Ne sont-ils plus vos fils ? Et, dans votre pensée,