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Qui vous a mis au front ce bandeau d’empereur ?
Ce qu’on dit est-il vrai, que vous êtes seigneur,
Seigneur de tout un monde, et que votre royaume
Partout à l’horizon grandit comme un fantôme ?
Vous souvient-il du bois penché sur le coteau,
De notre vigne en fleurs et de votre berceau ?
Vous souvient-il de l’île, et du bruit de l’orage,
Et du flot qui grondait quand vous fouliez la plage ?
—Ma mère, il m’en souvient, et que j’ai vu du bord
Plus d’un vaisseau royal échouer dans le port.
—Vous souvient-il aussi, mon fils, sous la couronne,
De vos sœurs qui filaient au foyer dans l’automne ?
De votre frère aîné, qui, sur le haut des monts,
Avec le pâtre allait dénicher les aiglons ?
Vous leur aviez promis de riches fiançailles.
Que leur donnerez-vous ? -le nom de mes batailles.
Oui, je veux leur donner, pour monter jusqu’à moi,
À tous un diadème et des manteaux de roi ;
Aux filles sur leurs fronts les couronnes légères ;
Les sceptres tout sanglants, faits de plomb, à mes frères,
Ainsi qu’un métayer donne à ses serviteurs
La charrue et le soc tout trempés de sueurs.
Ah ! Quand il eut parlé, les canons répondirent.
Que de rois sans aïeux sur le pavois surgirent,
Qui l’appelaient mon frère et baisaient ses habits !
Que de reines d’un jour mirent tous leurs rubis,
Qui la veille filaient, au foyer, dans l’automne !
Et leur mère disait, en nouant leur couronne :