Page:Quinet - Œuvres complètes, Tome VII, 1857.djvu/218

Cette page n’a pas encore été corrigée


Et quand ton fouet conduit le quadrige du monde,
Quel état croupira sur sa litière immonde ?
Peuples gladiateurs, désennuyez César !
Il vient, accourez tous au-devant de son char.
Criez, pour achever ses plaisirs qui vous tuent :
" Les peuples vont mourir, les peuples te saluent ! "
Avec grâce tombez dans le cirque à ses pieds !
César vous sourira, vos jours seront payés.
Et comme dans les bois, d’une aile matinale,
Quand le faucon s’élance en sa chasse royale,
La couleuvre repue, endormie au soleil,
Trop tard cherche en rampant son gîte à son réveil ;
Ainsi, dès qu’au matin l’aiglon quitta son aire,
Sentant sous son duvet la serre consulaire,
Le monde a dit : " Voici l’oiseau du Rubicon ! "
Et le taureau gaulois a connu l’aiguillon.
L’hysope, au haut des monts, sous le cèdre s’incline.
L’homme sous le héros, l’ombre sous la colline ;
Le flot baise le roc debout sur l’océan,
La foule son César, et César le néant.

Et, depuis ce jour-là, pour détrôner un monde,
Un homme a pris sa place ; et, quand un peuple gronde,
Ses pieds éperonnés, comme un sépulcre ouvert,
Heurtent les nations. Comme une ombre au désert,
Quand le lion royal agite sa crinière,
Chaque état devant lui se tait en sa tanière.
Un homme seul est tout, et le reste n’est rien.
Lui seul il a tout fait, et le mal et le bien.