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NAPOLÉON.

C’était sur le vaste Océan
Pour faire un berceau de géant.

T’en souviens-tu, mer de vaillance,
Mer sans repos, peuple de France,
Quand dans ton lit tu t’éveillas,
Et de ta gloire t’habillas ;
Comme une femme qui se lève
Pieds nus, à minuit, si son rêve
Lui montre un devin prosterné
Au chevet de son nouveau-né ?

Pourquoi, pieds nus dans la tempête,
As-tu déraciné le bord
Où les rois bâtissaient leur faîte,
Si bien qu’ils ont dit : Je suis mort ?
Pourquoi dans ton flot qui chancelle
As-tu renversé la nacelle
Qui pour sa rame et son rameur
Portait le pape et l’empereur ?

Pourquoi brisais-tu les royaumes ?
Les cieux peuplés et leurs fantômes ?
Pourquoi balayais-tu les os
De tes vieux rois dans leurs tombeaux,
Et déchirais-tu leur suaire ?
C’était, debout dans ta colère,
Pour jeter un hochet d’enfant
Au fond d’un berceau de géant.