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Les lecteurs d’Ahasvérus reconnaîtront, malgré la différence des sujets, que le poëme auquel ces lignes servent de préface est, en quelque sorte, le complément du premier, et qu’ils concourent tous deux au même ensemble. Ahasvérus, dans la pensée de celui qui l’écrivit, représentait, par son sujet, la poésie du passé, de l’histoire générale, de cet homme éternel en qui s’absorbent tous les hommes et qui s’appelle humanité. Le poëme qui le suit aujourd’hui appartient à la poésie du présent ; il a pour sujet l’homme individuel, le héros, Napoléon. à ces deux fragments s’ajoutera une troisième partie qui complétera le sens des précédentes. En attendant qu’elle soit achevée, l’obscur monument que l’auteur eût voulu édifier reste exposé à plusieurs attaques, dont quelques-unes peut-être, et surtout l’accusation d’une tendance irréligieuse, eussent été repoussées si le lien qui réunit ces divers fragments se fût montré dès le commencement.

Si l’on demande, d’abord, de quel droit j’ai osé toucher le sujet que j’aborde aujourd’hui, je répondrai que les plus grands sujets ne sont pas toujours les plus difficiles à traiter ; que le devoir du poëte est d’exprimer, non pas d’inventer la poésie ; que les plus vastes objets, Dieu, la nature, le héros, sont les motifs habituels des chants des poëtes les plus obscurs et les plus populaires. S’il est des sujets sacrés dans la mémoire des peuples, ceux-là ne repoussent guère les esprits qui les cultivent avec une piété sincère. Enfin, j’ajouterai qu’ayant passé les premières