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s’ensuit que toute la partie fabuleuse de cette figure s’écroule à vue d’œil. L’imagination naïve des peuples n’y puisera pas de nouveaux cycles épiques, comme on a pu le croire un moment. La foule trouvera dans cette figure non pas des chants, des motifs de ballade, des épisodes, des romanceros, des rhapsodies homériques, mais les expériences et les enseignements salutaires que l’histoire donne à tous ceux qui la consultent avec sincérité.

L’intérêt que l’on peut trouver dans ce poëme est, en partie, ce me semble, dans la tentative ingénue que l’auteur a faite de fixer une légende que l’esprit moderne, avec sa rigoureuse exactitude et ses moyens immanquables de critique, empêchait de s’établir.

J’ai voulu faire Napoléon plus grand que nature, plus noble qu’il n’a été en effet. Mon héros légendaire est retombé sur moi ; il m’a écrasé de ses débris.

J’ai cherché à fixer Napoléon dans cette région sublime, éternellement sereine et populaire où se sont maintenues les figures de Prométhée, d’Achille, des grands chefs de race qui dominent l’imagination humaine. Le vent du siècle, ou plutôt la force des choses a été plus forte que moi. Napoléon n’a pu rester pour nous un sujet poétique. Il m’est arrivé la même chose qu’à Lucain. L’histoire s’est vengée de lui et de moi en substituant à son César et à mon Napoléon, l’implacable vérité.


Meyringen, 25 août 1857.