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DU MANGEUR D’OPIUM

eux. Bien loin de là. Dans bien des cas, ils ne se servent pas plus des livres qu’ils ne permettent de s’en servir. Ainsi toutes les intentions que le fondateur a eues dans sa bonté (et je dirais, eu égard à ses motifs, dans sa piété), ont abouti à mettre sous clef et à séquestrer une grande collection de livres, dont quelques-uns sont des raretés, de les mettre dans des endroits où nul ne peut les ouvrir. S’il les avait légués aux catacombes de Paris ou de Naples, il n’eût pas plus efficacement pourvu à leur destruction virtuelle. Je le demande : n’a-t-on pas le droit de citer devant les tribunaux ordinaires les auteurs d’abus aussi énormes ?

Ô grand réformateur, dont chacun peut percevoir l’approche pour peu qu’il mette l’oreille sur le sol sur chaque route, si parfois tu as à m’imposer, à moi et à d’autres, des souffrances devant lesquelles je ne reculerai pas, fais-moi aussi quelque bien, — tourne de ce côté les grands ouragans, les cyclones de ta colères, — vanne-moi cette paille, et fais que nous puissions enfin voir les greniers pleins de pur froment qui ont été remplis à notre intention dans le temps jadis, et que depuis deux siècles on nous ferme !

Nous quittâmes Londres en toute hâte pour remplir un engagement déjà ancien envers le comte H—, grand-père de mon ami[1] Ce grand amiral, avait occupé une situation très importante aux yeux du public, car il faut le premier parmi les héros de la mer dans la première guerre de la Révolution, et le seul de noble origine : j’aurais été heureux de le voir. Saint-Paul et ses monu-

  1. L’amiral comte Richard Howe (1726-1799). Son dernier acte fut en mai 1797, l’apaisement de la sédition des marins de la flotte à Portsmouth. (Note du traducteur.)