Page:Quincey - Souvenirs autobiographiques du mangeur d’opium, trad. Savine, 1903.djvu/63

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

compter le luxe et le libre usage d’une magnifique bibliothèque, ce qu’il appréciait le plus. Pendant sa vie et à sa mort, il fut monsieur Barnard, tout simplement.

À une certaine époque, je ne voulais pas croire à cette histoire, qui peut-être est parvenue depuis longtemps à la connaissance du public, par ce motif que Georges III lui-même n’eût pas été différent des autres princes au point de laisser entièrement dépourvu d’honneurs publics son propre frère, malgré le peu d’ambition de celui-ci. Mais je sus plus tard à n’en point douter qu’un officier de marine bien connu de ma famille, et en particulier d’un de mes frères qui fut marin, était un fils illégitime de Georges II, qu’il était aisé de s’en convaincre à la facilité qu’il avait de changer de vaisseau quand il n’était qu’enseigne, et que cependant il ne put arriver à un grade supérieur à celui de capitaine de la poste, bien qu’il fût reconnu en particulier, comme un des leurs par son père et d’autres membres de la famille royale. Cela me fit voir l’insuffisance de mes mobiles de doute.

La vérité, qui fait honneur à la mémoire du roi, c’est qu’il respectait les sentiments moraux de son pays qui, en cela comme en tous les détails des mœurs domestiques, sont fort sévères et fort collet-monté. Je dis cela sans crainte d’écrivains tels que lord Byron, M. Hazlott, etc., qui haïssaient en bloc toutes les prétentions de l’Angleterre, qu’elles fussent fondées ou non, et cette pruderie atteint un degré qui absolument inintelligible aux Européens du midi. Il avait ses faiblesses comme les autres fils d’Adam, mais il ne cherchait point à attirer et à maintenir sur elles l’attention publique, ainsi que le firent Louis XIV, ou