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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

attendu seulement quelques années, on aurait obtenu sans peine un prix quadruple. Certes mes tuteurs étaient tous des hommes honorables et intègres, mais ils avaient leurs propres affaires sur les bras. L’un d’eux (mon tuteur proprement dit) était un clergyman, recteur d’une église. Il lui fallait s’occuper de sa paroisse, de sa nombreuse famille et de trois pupilles. En outre, il était très carnassier, très indolent, il aimait les livres et haïssait les affaires. Le second était un négociant ; le troisième un magistrat de campagne, accablé de besognes officielles ; je ne l’ai même jamais vu. Enfin le quatrième était un banquier, qui connaissait mieux le monde que les trois autres ensemble, mais qui habitait trop loin pour intervenir efficacement.

En réfléchissant aux malheurs qui m’arrivèrent et à la direction déplorable de ma petite fortune et de celle de mes frères et sœurs, j’ai souvent pensé qu’un devoir aussi important, et aussi mal rempli depuis l’époque de Démosthène, devait être réglé par des mesures nouvelles et soumis à des règles simples, peu nombreuses, et impératives. Comme sous la législation romaine, il faudrait que le tuteur restât légalement responsable pendant une longue période, et que tout d’abord il donnât une garantie pour la bonne exécution de ses devoirs. Mais il faudrait qu’il eût un motif pour les remplir, et pour cela il faudrait le payer. Des émoluments proportionnés commenceraient en même temps que commenceraient de nouvelles obligations, de nouvelles responsabilités. Ce n’est là qu’un croquis. Il faudrait du temps et de l’habileté pour indiquer les détails de l’emploi et des fonctions. Mais un grand changement s’impose