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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

ne s’en trouvait aucun qui eût un rapport quelconque avec la littérature des in-folio gothiques. Il n’y en avait même aucun qui présupposât de l’étude et du travail pour être lu. À ce point de vue c’était une pauvre bibliothèque pour un érudit, un chercheur. Elle ne serait, elle ne visait qu’à distraire, qu’à intéresser immédiatement sans effort ni affectation, mais d’une manière à la fois éclairée et intelligente. Habitant la campagne, comme la plupart de ses égaux, mon père n’avait pas à compter sur le théâtre pour occuper ses soirées, ni sur aucun autre lieu de réunion. Il n’allait jamais au théâtre sans y conduire sa famille, et cela arrivait bien une fois en cinq ans. Des livres, de vastes jardins, une serre, telles étaient les ressources sur lesquelles on comptait pour se distraire chaque jour. Cette dernière en particulier, faisait si ordinairement partie d’une maison, qu’elle formait une des pièces principales de l’habitation à la campagne modestement appelée la Ferme, où je passai mon enfance. Elle était aussi la pièce principale, par ses dimensions, dans une maison spacieuse que mon père bâtit pour lui-même, et, grande ou petite, elle existait dans presque toutes les demeures que je visitai au temps où j’étais écolier.

Je puis terminer le portrait que je fais de mon père et des gens de sa classe, en disant que Cowper était leur poète préféré ; que le docteur Johnson, qui venait justement de disparaître d’entre les auteurs vivants, était considéré avec autant de respect que de sympathie, avec des sentiments divers pour les uns, à cause de son courage, pour d’autres, à cause de sa moralité vigoureuse et inexorable et pour l’amour qu’il portait en géné-