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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

dignité qu’il avait subie, lui avaient fait adopter un genre de vie ascétique, qui lui laissait la liberté d’employer son revenu à créer des canaux et à patronner Brindley. Il avait été trompé. En conséquence, il était devenu l’ennemi des femmes, un misogyne, aussi âpre qu’Euripide. À l’approche d’une femme, il aimait mieux faire « demi-tour » et aller indéfiniment en zigzag, que de se trouver face à face avec elle. Cet événement de sa vie le dispensant des frais que comporte une installation ducale, il n’en était que plus libre de créer cette immense richesse qui, par la suite, valut de vastes domaines à celui qui était alors marquis de Stafford, au comte de Bridgewater, etc.

Grâce à son ensemble, et à sa conception, le livre de mon père était exactement ce qu’il fallait alors dans l’île entière, comme l’a montré il y a quelques années la Quarterly Review, en ajoutant que c’était là un desideratum assez difficile à satisfaire : il fallait un guide indiquant toutes les richesses de l’art tant sur terre qu’au-dessous, qui dans notre pays s’offrent en foule, sur chaque mille carré, à l’attention des étrangers. Au point de vue de l’exécution, grâce à cette alternative de renseignements sur les arts mécaniques et les beaux-arts, l’ouvrage ressemble aux Promenades si connues d’Arthur Young, où l’industrie et les galeries de tableaux alternent, avec cette seule différence que, dans le livre de mon père, je ne me souviens pas d’avoir trouvé de la politique, peut-être parce qu’il a été écrit avant la Révolution française.

L’attention accordée par mon père aux collections artistiques qui se trouvent dans les demeures aristocratiques, était peut-être en partie la cause,