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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

Church, de ne pas l’entendre, s’il est jeune et léger, parler avec fracas de son Doyen, pour faire entendre par là d’une façon détournée, qu’il appartient lui-même à ce magnifique Collège, parce que c’est le seul collège dont le chef soit invariablement un Doyen. Le Doyen, comme on le suppose, a sa part de cette supériorité de sa Maison. Sa situation le met en rapports officiels avec tous les ordres de l’aristocratie britannique, souvent avec des personnages royaux. Quant aux jeunes membres de l’aristocratie, ses fonctions établissent entre eux celui des relations d’un homme pourvu d’autorité, d’un tuteur, quoiqu’il les exerce par l’intermédiaire d’un personnel inférieur et qu’il n’intervienne que rarement en personne. Le lecteur doit savoir qu’à de rares exceptions tous les princes, tous les nobles de la Grande-Bretagne, qui préfèrent profiter d’une éducation académique, choisissent Christ-Church à Oxford ou Trinity College à Cambridge. Il n’y a que cette alternative. Naturellement tous mes jeunes amis sursautèrent quand je leur fis part de ma décision d’aller trouver un aussi grand personnage. Ils s’imaginèrent qu’il valait mieux lui écrire une lettre. Pour moi, qui n’étais nullement convaincu qu’un homme n’est jamais un héros pour son valet de chambre, je me disais que bien peu d’hommes sont des héros à leurs propres yeux. Le nuage de pompe extérieure qui les entoure et les cache à la vue des attoniti[1] ne peut pas exister pour eux-mêmes. Il ne leur est point permis, comme à Kehama, de franchir d’emblée les portes de Padalon, et d’y con-

  1. Ceux qui regardent bouche bée — ou qui ont l’air hébété comme si la foudre venait de tomber près d’eux. — (Note du traducteur.)