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DU MANGEUR D’OPIUM

nemi. Peut-être aussi cette permission ne leur fut-elle pas accordée, et leur excursion ne fut-elle que l’extension donnée avec insouciance à quelque mission à remplir sur la côte. C’était une imprudence, et sur les deux marins, il y en eut au moins un qui eut sujet de se repentir en payant l’amusement de ce jour par dix-huit longs mois de captivité. Ils ne connaissaient absolument rien de la localité, et croyaient qu’à n’importe quel moment, ils n’auraient qu’à jouer des jambes pour regagner leur bateau, et qu’ils étaient assez bien armés pour tenir tête à toute la résistance qu’ils pouvaient prévoir. Mais ils se hasardèrent trop loin dans l’intérieur des terres, et s’aperçurent trop tard de la présence de sentinelles postées là tout exprès dans l’intérêt des voyageurs anglais qui pourraient se présenter. Ces hommes ne leur donnèrent pas la chasse, mais ils firent pis : ils firent des signaux en tirant des coups de feu, et au moment où nos deux loups de mer anglais se dirigeaient vers la côte, ils aperçurent un détachement de cavalerie danoise qui trottait d’une bonne allure dans la direction du bateau. Se sentant tout à fait en état de tenir tête à la poursuite, Pink et son compagnon se livrèrent à diverses facéties nautiques ; Pink, en particulier, allait prier les Danois de présenter ses compliments au prince héritier, et de lui dire que, sans leur intervention importune, il aurait pu se hasarder à améliorer le menu de son royal dîner, par l’offre d’une bourriche de gibier, — quand, soudain quelle ne fut pas leur confusion ! tout à coup ils s’aperçurent qu’ils étaient séparés de leur bateau par un réseau inextricable de cours d’eaux, de trous fangeux et profonds, dont on ne pouvait se tirer qu’avec du