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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

çant West-Indian, je dois me montrer soigneux de protéger sa mémoire de tout soupçon de ce commerce des esclaves, qui créa tant de fortunes à cette époque, à Liverpool, Glasgow, etc. Quoi qu’on puisse penser de l’esclavage en lui-même, sous la forme qu’il prit dans les colonies anglaises, ou des remèdes employés contre ce fléau par les hommes d’État modernes, on ne saurait avoir deux opinions en ce qui concerne le commerce des esclaves, ses enlèvements, ses meurtres, et mon père, bien qu’il s’adonnât au négoce des Indes occidentales dans toutes ses branches honorables, fut si loin de se prêter même passivement à un rôle quelconque dans cette mémorable abomination, qu’il fut un de ceux qui se firent un devoir de conscience de protester en Angleterre, même longtemps encore après la première publication du fameux Essai de Clarkson, en l’enquête de la Chambre des Communes, et qui s’abstinrent de faire usage du sucre dans leur ménage.

En ce temps-là, au point de vue de quelques sentiments qui marquèrent ma vie à un âge plus avancé, je dus de grands avantages à mes deux parents, et aux divers traits de leur caractère. Chacun d’eux était à sa façon profondément moral, et ma mère avait sa supériorité personnelle, comparativement aux gens de son rang, en distinctions et en politesse des manières. Chaque homme a son idée à lui sur le summum bonum, qu’il réalise dans l’ordonnance de la vie. Pour ma part, sans ennuyer autrui de ce qui me plaisait ou me déplaisait, en des points qui n’éclaircissent rien, je reconnaîtrai avec franchise que dans tous les plans de bonheur social que j’ai pu former, le raffinement des manières a une large part, comme