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différentes, mais qui montraient également que l’esprit de bonté est répandu un peu partout. Cette fois, il n’avait pas l’argent nécessaire pour se procurer une place, même pour un court trajet, dans une diligence. Il avait voyagé à pied jusqu’à Oxford, et avait mis deux jours à parcourir les cinquante-quatre ou cinquante-six milles qui séparaient cette ville de Londres par la route, et il avait passé les nuits dans des granges de formes, sans en demander la permission. Succombant à la fatigue et à l’abattement moral, il était entré dans Oxford, où il ne comptait sur aucune aide, en même temps qu’il éprouvait une honte mortelle à en solliciter si peu que ce fût. Mais en je ne sais quel point de la Grande Rue, et autant que j’en puis juger, d’après la description exacte comme celle d’un marin qu’il fit de cette belle rue, vers l’entrée du Collège d’All’ Souls, il fit la rencontre d’un gentleman, un homme en robe, au moment même où celui-ci faisait un mouvement pour franchir la porte du Collège. Celui-ci apercevant Pink, le regarda avec attention, et lui remit une guinée en lui disant : « Je sais ce que c’est de se trouver dans votre situation. Vous êtes un écolier et vous vous êtes enfui de votre école. Eh bien ! j’ai été autrefois dans votre situation, et j’ai pitié de vous. » Le brave homme portait une robe de soie et un bonnet de velours. Il devait par conséquent appartenir à la classe qu’on nomme à Oxford les Gentlemen commoners. En même temps il lui donna une adresse pour quelque collège, celui de Magdalen, à ce que pensait mon frère quelques années, plus tard, en lui disant de s’y rendre avant son départ d’Oxford. Si Pink avait suivi ce conseil, et qu’il eût