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DU MANGEUR D’OPIUM

Le 19 mai suivant, en suite d’une proclamation du 11, promettant mille livres pour sa capture, Lord Edward Fitzgerald fut fait prisonnier chez M. Nicolas Murphy, négociant de Dublin, après une résistance désespérée. Le chef de la troupe, le major Swan, magistrat, fut blessé par Lord Edward, et Ryan, un autre officier, si dangereusement atteint, qu’il mourut moins de quinze jours après. Lord Edward lui-même languit quelque temps et mourut le 3 juin, après avoir beaucoup souffert des suites d’un coup de pistolet qui l’avait blessé à l’épaule. Lord Edward Fitzgerald avait été profondément blessé. Dans l’ardeur de son généreux caractère, il avait témoigné énergiquement sa sympathie pour les Républicains Français, à la première phase de leur révolution. Il mit une grande indiscrétion, mais enfin une indiscrétion pardonnable chez un si jeune homme, d’un tempérament si ardent, à avouer publiquement sa sympathie, et il fut ignominieusement renvoyé de l’armée. Cet acte changea en ennemi un homme qui, certes, n’était point à dédaigner. Bien qu’il fût trop faible pour avoir de l’empire sur lui-même, Lord Edward avait tout ce qu’il fallait pour se faire aimer ; il avait de grands talents. Son seul nom, celui de fils cadet de la seule famille ducale qu’il y eût en Irlande, était un charme magique et un mot d’appel pour la classe paysanne irlandaise. Enfin par son mariage avec une fille naturelle de celui qui était alors le duc d’Orléans, il était arrivé à se créer en France des relations de parenté et d’amitié de quelque importance. La jeune personne qu’il avait épousée était généralement connue sous le nom de Pamela ; et l’on a fréquemment émis la supposition qu’elle est