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DU MANGEUR D’OPIUM

secrète. Il était aisé au gouvernement de supprimer les journaux, quels qu’ils fussent. Mais la Société secrète persécutait et paralysait le gouvernement d’autre façon qu’il était malaisé de parer, et tous les coups rendus portaient dans les ténèbres, contre une ombre. La Société invita tous les Irlandais à cesser tout usage des liqueurs fortes, comme un moyen de détruire l’Excise ; et il est certain que la Société fut obéie dans toute l’Irlande, avec une docilité qui surprit les observateurs impartiaux. La même Société, par une proclamation imprimée, recommanda de ne pas acheter les exemptions qui étaient mises en vente au compte de la couronne, et de ne pas recevoir de bank notes en paiement parce que, selon les termes de la proclamation, la chose allait « crever » et qu’alors ce papier et les garanties qu’offraient de tels achats tomberaient dans une dépréciation ruineuse. En cette circonstance, après avoir éprouvé de grands embarras dans les services publics, le Gouvernement obtint un demi-succès grâce à une loi qui éteignait toute dette en cas de non-acceptation du papier d’État, et imposait des garnisaires aux négociants qui faisaient des difficultés pour accepter ce mode de paiement. Mais à tout prendre, il était évident pour tout le monde qu’il y avait en Irlande deux gouvernements agissant à l’encontre l’un de l’autre en toutes choses, et que celui qui avait presque toujours le dessus dans la lutte était la Société secrète des Irlandais-Unis, dont les membres et le quartier-général étaient également protégés contre les attaques de son rival le gouvernement officiel du Château, par un nuage d’une obscurité impénétrable.