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habitude par des causes excusables, c’est-à-dire par nécessité, l’opium étant la seule ressource médicale qui fût efficace contre sa maladie à lui. Et moi, scélérat que je suis, j’ai, comme chacun sait, reçu des fées un charme contre la douleur ; si j’ai adopté l’opium, c’est par un penchant abominable pour la recherche aventureuse de la volupté, et j’ai pêché le plaisir dans toute sorte de ruisseaux. Coleridge se trompe dans toute l’étendue possible du mot, il se trompe dans son fait, il se trompe dans sa théorie ; un petit fait, une grosse théorie. Ce dont il m’accuse, je ne l’ai pas fait, et quand cela serait, il ne s’ensuivrait pas que je suis un citoyen de Sybaris ou de Daphné… J’ai été véridique en disant au lecteur que c’est non pas la recherche du plaisir mais l’extrême violence d’un mal de dents causé par le rhumatisme, que c’est cela, cela seul qui m’a conduit à l’usage de l’opium. La maladie de Coledrige était le rhumatisme simple. Pour moi, cette maladie qui est revenue avec violence pendant dix ans, était un rhumatisme facial combiné avec la névralgie dentaire. Je le devais à mon père, ou, pour mieux dire, je le devais à mon ignorance honteuse, car une dose insignifiante de coloquinte ou de quelque autre remède, prise trois fois par semaine, m’aurait, plus sûrement que l’opium, arraché à cette terrible malédiction… Dans cet état de souffrance, état complet et développé, j’étais exposé sans défense à un conseil fortuit, et par là même, par une conséquence naturelle à l’opium, le seul, l’unique analgésique qui soit accidentellement reconnu comme tel, le seul auquel tout le monde reconnaisse ce rôle important. »

Dans ce plaidoyer pro domo, Quincey réclame que quelqu’un qui en sache plus long que lui-même sur cette question refasse ses confessions d’un bout à l’autre et négligemment il jette en passant cette indica-