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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

sa position centrale, et mes excursions journalières, m’en avaient rendu familières les scènes et les limites exactes, et parce que l’alliance d’une puissante nation lui avait donné un caractère plus élevé dans l’histoire de la guerre entre peuples civilisés. Pour l’autre guerre, bien qu’elle soit beaucoup plus intéressante au point de vue philosophique, et qu’elle mérite une étude très détaillée, je la ferai tenir en une page, en donnant pour excuse ma connaissance imparfaite du terrain, que j’ai parcouru en voyageur pressé ; mais en réalité parce que j’ai quelque répugnance à parler de choses qui m’impressionnèrent douloureusement, même à mon âge d’alors, et qui me causent maintenant encore de l’humiliation. Car tous ceux qui furent en cause commirent des fautes immenses, et le gouvernement, qui aurait dû se montrer si paternel et si empressé à faire rentrer au bercail son troupeau égaré, fut le plus grand de tous les coupables par les provocations sanguinaires auxquelles il se livra lui tout le premier. Sans doute il a été très calomnié, et il est tout naturel qu’il se répande des calomnies contre un gouvernement pareil. Mais, quand on leur aura fait leur part complète, il restera suffisamment de quoi établir cette horrible certitude que le gouvernement, par ses agents immédiats d’exécution, parut chercher l’occasion de sévir, et cela à un point tel, que quand ses agents ne trouvaient aucune occasion, ils travaillaient systématiquement à en créer par la provocation, par l’irritation, par la torture, que tout cela, au lieu d’être nié, fut reconnu, proclamé, récompensé, et qu’enfin, chose que je réserve pour couronner l’édifice, il infligea individuellement des traitements dégra-