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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

où il se manifestait. S’il avait plu au ciel de leur donner autant de cervelle que de bras, il n’est pas facile de dire quelle somme de méfaits ils eussent pu commettre, mais ils furent toujours conduits par des chefs dépourvus de toute habileté. » Cela est vrai, mais ce ne serait que rendre faiblement justice aux rebelles du Connaught, et ce ne serait pas déduire la vraie morale de l’insurrection, que d’expliquer par l’insuffisance de leurs chefs cette abstinence de tout méfait sous la pire forme. Il n’est pas non plus possible de supposer que ce soit là ce que veut dire l’Évêque, bien que ses propres paroles paraissent y tendre. Car il donne lui-même quelque part, cette absence de cruauté capricieuse comme un trait caractéristique de cette insurrection du Connaught, trait en soi fort honorable pour ces pauvres rebelles égarés, et qui les distingue d’une manière très remarquable d’avec la grande insurrection si récemment écrasée dans le centre et dans l’est. « Une circonstance qui, dit-il, mérite d’être signalée particulièrement, c’est que pendant tout le temps que durèrent les troubles civils, pas une goutte de sang ne fut versée, hors du champ de bataille, par les insurgés du Connaught. Il est vrai que les Français y contribuèrent grandement par leur exemple et leur influence. Mais il ne serait pas loyal d’attribuer à cette seule cause la modération dont nous avons été témoins, quand on considère quelle vaste étendue de pays fut à la merci des rebelles pendant plusieurs jours, après qu’on sût que le pouvoir des Français tirait à sa fin. »

À quelle cause faut-il donc attribuer la modération des gens du Connaught, qui contraste si singulièrement avec les affreux excès commis par