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SOUVENIRS AUTOBIOGRAPHIQUES

amis, et avec le dessein d’y faire naître une révolte générale. L’armée française si redoutée arriva enfin. Le général et son état-major entrèrent au palais, et la première chose que fit un officier en arrivant à la salle à manger, fut de se diriger vers un dressoir, de jeter toute l’argenterie dans un panier et de la confier au sommelier de l’évêque avec l’ordre de la mettre en sûreté.

Les officiers français et le détachement laissé sous leurs ordres à Killala par le commandant en chef, passèrent environ un mois à Killala. Ce séjour offrit d’assez nombreuses occasions d’étudier leurs différences individuelles de caractère et le ton général de leurs manières. Ces occasions ne furent pas perdues pour l’évêque, il remarqua avec sagacité, et nota sans retard tout ce qui s’offrait à son examen direct. Si le hasard avait fait de lui un Évêque politique ou courtisan, son mémoire aurait peut-être été supprimé, en tout cas il eût été faussé par les idées préconçues. Tel qu’il était, je crois qu’il ne fut que le témoignage honnêtement exprimé d’un honnête homme, et quand on considère les minutieux détails qu’il indique, je ne crois pas que dans tout le cours de la guerre révolutionnaire, il ait été publié aucun document qui jette plus de lumière sur la qualité et la composition des armées de la République Française. Pour ce motif j’emprunterai quelques passages aux esquisses tracées par l’Évêque lui-même, chose que je me serais abstenu de faire si je n’y avais pas été amené par deux raisons : d’abord parce que la brochure ordinale est maintenant tenant tombée dans l’oubli, quoiqu’elle eût tant de titres à être conservée ; en second lieu parce que les informations que j’ai reçues de l’hono-